Son amour pour l’impressionnisme
La peinture a toujours attiré la jeune Winnaretta Singer, presque autant que la musique. Adolescente, elle suit les cours du peintre Félix Barrias (1822-1907) dans son atelier parisien, rue de Bruxelles. Elle se rend très régulièrement au Musée du Louvre et visite les salons du Palais de l’Industrie lors desquels sont exposées des peintures un peu trop conventionnelles à son goût. C’est en se rendant dans les expositions adjacentes au palais qu’elle découvre une nouvelle école, décriée et moquée : l’impressionnisme.
“Je m’exaltais devant la beauté de cet art, qui semblait m’apporter une nouvelle vision des choses et jeter une lumière et une signification nouvelles sur tout ce qui m’entourait dans le monde visuel. Ma famille n’approuvait pas cette nouvelle école, et mon enthousiasme fut immédiatement réprimé car taxé d’excentrique, de désir d’attirer l’attention et ne méritant aucun encouragement. Mais rien n’aurait pu être plus spontané ni sincère, et j’étais toujours curieuse d’apprendre tout ce que je pouvais à propos d’Edouard Manet et de ses premiers pas en peinture.”
Winnaretta Singer, Souvenirs
Aucun des peintres de son entourage ne comprend son attirance pour un tel mouvement. Son parrain, le peintre Edward May (1807-1881) parle de Manet comme d’un “original”. Ses camarades de classe de peinture le baptisent le “Michel-Ange du mauvais”. Lorsque son idole meurt en 1883, Winnaretta qui n’a pas encore 18 ans, est profondément peinée. Elle décide de se rendre au 77 rue d’Amsterdam où se trouve l’atelier de Manet et demande au concierge si elle peut récupérer la carte de visite du peintre qui était clouée à la porte.

A son grand bonheur, son maître Félix Barrias déménage son atelier rue de Bruxelles dans l’ancien atelier de Manet quelques mois plus tard. La jeune fille est donc amenée à s’y rendre pendant plusieurs années et finit par nouer une amitié avec le concierge, Aristide, qui accepte de partager des anecdotes au sujet du peintre disparu. Il lui présente un dessin au crayon de Fantin-Latour représentant Manet, première esquisse de son célèbre portrait, et accepte de le vendre à la jeune Winnaretta, déterminée à acquérir dès que possible une œuvre de l’impressionniste.
Quelques années plus tard, elle achète La Lecture de Manet, qu’elle dénomme La Femme en blanc dans ses mémoires, sur les conseils de son ami le peintre Ernest Duez. Winnaretta Singer acquiert également en 1886, alors qu’elle n’a que 21 ans, Champs de tulipes en Hollande, Les Dindons et La Barque à Giverny de Claude Monet.
Dans son testament, la princesse lègue ces oeuvres au Musée du Louvre.

Ses propres oeuvres
Plus de 80 toiles que la princesse a peintes entre 1880 et son décès ont été recensées. Il est très probable qu’il en existe davantage éparpillés dans des collections particulières. Tous ses tableaux sont signés de son nom de jeune fille : Winnaretta Singer.
Dès 1882, alors âgée de 17 ans, elle expose sa première œuvre au Salon des artistes français. Elle participe ensuite à divers événements artistiques comme l’Exposition des Femmes peintres et sculpteurs (en 1886, 1887, 1889, 1890, 1893, 1895), le Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en 1893, l’exposition de la Société artistique des amateurs en 1897, l’exposition des Femmes artistes en 1894 et 1895, ainsi qu’à la 6th Exhibition of the International Society of Sculptors, Painters and Gravers de 1906 à Londres et l’Exposition universelle de Chicago en 1893.
Une exposition rétrospective de son œuvre est organisée dans la galerie Charpentier, à Paris, en 1935.

Ses amis peintres et ses portraits
On retrouve dans son cercle d’amis les peintres John Singer Sargent, Jean-Louis Forain, Paul Helleu, Paul Mathey, Ernest Duez et Jacques-Emile Blanche.
Winnaretta a commandé son portrait à plusieurs artistes :



Winnaretta souhaite que Paul Helleu réalise le portrait de chacune de ses amies mais ce projet n’aboutit pas. L’artiste a cependant réalisé au moins deux dessins représentant la princesse de Polignac. Elle lui achète également une toile issue de sa série consacrée aux régates et voiliers à Cowes.
En 1926, elle fait partie des mécènes qui organisent l’exposition rétrospective de l’œuvre de la Gandara à Paris.
Sa collection et ses dons au Louvre
Au fil des années, la princesse Edmond de Polignac s’est constituée une collection d’œuvres d’art rassemblant ses Monet, mais aussi des œuvres de Panini, Tiepolo, Ingres, Maurice-Quentin de La Tour, Whistler et d’autres objets d’art qu’elle a revendus, ou légués soit au Musée du Louvre, soit à ses proches.
Winnaretta Singer s’arrange également pour qu’une donation anonyme soit versée au Musée du Louvre après sa mort afin de permettre l’achat de tableaux et de sculptures. Dans le milieu, on y fait référence comme la “Donation Anonyme Canadienne” en raison de la localisation du trustee de la princesse au Canada. Le Conseil d’administration de la réunion des musées nationaux prend connaissance de ce don lors de la séance du 8 mars 1949. Cette donation a permis au Musée du Louvre, et au Musée d’Orsay depuis 1986, d’acquérir plus d’une centaine d’œuvres.
Sources
- Kahan Sylvia, Winnaretta Singer-Polignac, princesse, mécène et musicienne, Les Presses du Réel, 2018
- Kaufman Fanny, Mécène renommée, peintre oubliée : à la découverte de l’œuvre de Winnaretta Singer, princesse Edmond de Polignac (1865-1943), thèse de master Histoire du Louvre de l’École du Louvre, sous la direction de Françoise Mardrus, 2024
- Singer Winnaretta, Souvenirs, Fondation Singer-Polignac, 2000 (traduction de l’article « Memoirs of the late Princesse Edmond de Polignac » paru dans Horizon, vol.XII n°68, 1945, p.110-141)
- « Une exposition de La Gandara », Comoedia, 14 juin 1926, p2 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76540259/f2.item