Lettre de Vincent d'Indy à la Princesse de Polignac n°110

Publié dans Lettre

14 avril 1896

Chère Madame,

J'ai vu Bordes hier et je viens en son nom et au mien vous remercier de votre générosité pour notre petite "Schola" naissante.

Nous avons examiné les voies et moyens pour mener à bien notre entreprise de "Johannès Passion", et nous avons constaté que, tout bien considéré, ce concert coûtera environ 3, 000 francs (car je n'avais pas compté dans mon devis les frais de publicité). Si, (étant donné que vous voulez bien nous faire largesse d'un billet de mille francs), vous croyez pouvoir nous répondre qu'il vous sera possible de placer sûrement mille autres francs de billets, dans ce cas, nous pouvons marcher, car, avec la recette de la porte nous couvrirons au moins les mille francs de frais restants et il faut espérer que la recette même dépassera ces mille francs, quoique à cette époque tardive de l'année, bien des gens ne se soucient plus guère d'aller au concert.

Je vous serais donc extrêmement reconnaissant de nous faire savoir si outre les mille francs que vous donnez généreusement, vous croyez pouvoir nous assurer d'un placement de billets pour la somme de 1 000 francs, car ce n'est que dans cette hypothèse que nous pouvons nous permettre d'engager les musiciens, choristes, etc.. et, sans cela, nous risquerions d'endetter notre malheureuse "Schola", qui est déjà assez misérable comme cela !

Encore une prière : dans le cas où nous pouvons marcher en avant pour ce concert, vous m'avez dit que d'Harcourt nous donnerait une salle, mais il serait bon qu'il vous en donnât l'assurance par écrit, car avec lui il faut prendre ses précautions, et nous vous serions extrêmement reconnaissants de lui demander sa salle avec l'orgue pour le vendredi soir 28 mai, pour deux répétitions à fixer postérieurement.

Mille pardons, chère Madame, de vous importuner ainsi, mais notre "Schola" nous passionne tellement et votre bonté pour la vraie musique nous a été si souvent prouvée que nous n'hésitons pas à abuser, espérant que vous absoudrez notre importunité en faveur du double but très élevé à atteindre.

Veuillez agréer, chère Madame, l’expression de mes plus sympathiques hommages,

Vincent d’Indy

PS : Il est bien entendu que nous chanterons entre les deux parties de la Passion, Marthe et Marie, qui fera un très bon intermède au milieu des hautes sévérités de Bach.

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