Lettre de Prince Edmond de Polignac à la Princesse de Polignac n°84

Publié dans Lettre

St Gervais, 17 juillet (1896 ? non daté)

Bien chérie Winn-Winn,

merci de ta bonne lettre affectueuse. Je vous adresse cette lettre à Fantaisie, vous y serez déjà installée (?!!) depuis deux jours ; c’est triste de manquer d’eau, j’espère que nous en aurons tout de même un peu pour boire avec Paris. Je n’ai pas pensé à apporter des serviettes de toilette, peut-être en avez-vous apporté suffisamment, ou pourrai-je en trouver là-bas. Merci pour le petit coin que vous me promettez de me préparer. Je suis sûr que, par vos soins, il sera très campagnard.

Je serai bien heureux de retrouver ma chère Winn, avec la grosse natte par-derrière en catogan.

Et je pense aussi souvent à nos promenades matinales sur la terrasse des orangers à Tencin quand vous avez sur le dos le paletot de prédilection. Nous reverrons aussi ce bon temps-là, n’est-ce-pas ? Quand Mme BIBI voudra bien reprendre ses pinceaux trop longtemps abandonnés pour les pédaleries et retours nocturnes des cabarets avec les jeunes amoureux et les Dames Foulque !

Merci de penser d’avance à me chercher à la gare. Nous sommes à citer comme ménage modèle, d’être, après trois années bientôt de chaîne commune, aussi peu usés et toujours neufs l’un pour l’autre ; tandis que tant d’autres, après même une année seulement, déjà repus l’un de l’autre, quand ils se dérangent pour venir aux stations, ne se retrouvent en voiture qu’avec tristesse, écoeurement, et de longs silences en voiture, dégoûtés souvent de trop se connaître, se sentant amoindris et honteux comme des gens qui ont fait ensemble quelque chose de sale.

Je sais bien que la thèse oposée peut se soutenir, après boire !! mais ce que l’on pourra toujours affirmer, c’est que la réalité ne vaut jamais l’illusion...

Je vous envoie mon sale griffonnage qui doit représenter ce que l’on voit de ma fenêtre. Adieu dearest Winn,

Plus je vais, plus je sais que des liens indissolubles m’attachent à vous, et c’est ma fin de vie.

Je t’embrasse tendrement

Edmond.

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