Lettre de Gaston de Galliffet à Prince Edmond de Polignac n°159

Publié dans Lettre

Montjoye,

Rambouillet

Seine et Oise                                                                              Le 29 juin

 

Ton mot aimable et spirituel a été, par moi, communiqué à la maîtresse de cette maison qui t'y a reconnu. Le mari n'a pas eu le temps d'apprécier le charme de ton esprit tu le lui pardonneras en raison de ses laborieuses préoccupations. Suivi d'un valet de chambre tapissier qu'il a ajouté à son personnel, il parcourt du matin au soir les appartements décrochant et accrochant les rideaux ou les tentures et étudiant avec "anxiété" les plis plus ou moins solennels qui résultent du nouvel accrochage - puis il fait comparaître successivement chacun de ses serviteurs et les interroge sur l'effet produit par son opération. Inutile de te dire qu'ils s'écrient toujours : " Monsieur vous avez raison." La propriété est toute petite. La maison a été reconstruite par les La Tremoïlle - puis habitée par la Baronne de Santos qui l'a vendue à Madame Standish. La maison se compose de grands et petits morceaux, vaste salle à manger- une pièce grande comme les trois grandes qu'elle contient - très confortable - fraîche en été chaude en hiver - au paté qui contient les pièces monumentales est accolé une petite maison avec des chambres suffisantes. J'habite à vingt pas du monument un petit pavillon qui gît aux pieds d'un énorme réservoir. Ce réservoir contient les eaux que lui amène une machine à vapeur construite dans la vallée. Le tout est baroque, fantasque, décousu - très confortable -très soigné dans le détail par Madame Standish - beaucoup de roses partout. Dedans et dehors - placé sur une hauteur, en très bon air, et à petite distance d'Esclimont, de Bonnelles, de Dampierre et de Rambouillet. Standish flanqué de son élève tapissier y joue les Lords à la jubilation des habitants de ce Palais. Seuls, le Prince et la Princesse de Galles manquent à son tableau. Inutile d'ajouter qu'aucun gibier ne fréquente dans le parc ou jardin planté d'arbres.Le père d'Escars venu récemment s'est écrié en arrivant : mais c'est une mosquée !! - Je partirai prochainement pour faire à Marienbad ma saison contre les rhumatismes - Veinard ! tu en es dépourvu - du Lau revient de Londres où il a béni les Aoste.

Sur ce je te la souhaite à tes souhaits

amitiés

Galliffet

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