Nocturne - Compagnie La Tempête

Publié dans Saison 2021-2022

temple protestant de l'oratoire du louvre - 145 rue Saint-Honoré 75001 Paris

Avant-propos

Nous voici ensemble, à quelques jours de Noël dans cet oratoire du Louvre où la Fondation Singer-Polignac présente rituellement son grand concert de fin d’année – malheureusement suspendu en 2020. Nous sommes donc heureux de renouer avec cette tradition en vous proposant de découvrir ou redécouvrir un chef-d’œuvre de la musique religieuse : ces Vêpres de Rachmaninov qui sont aussi un des sommets du répertoire liturgique orthodoxe, dans un genre évidemment très différent des célèbres concertos pour piano qui ont fait la gloire du compositeur.
C’est en effet l’avantage et le handicap de Rachmaninov que d’avoir été un immense pianiste et d’avoir laissé ces concertos tellement populaires. On connaît moins, du coup, l’ensemble et la diversité de son œuvre qui comporte de nombreuses mélodies avec piano, des pièces de musique de chambre, des symphonies et danses symphoniques, des opéras, et aussi plusieurs compositions religieuses, en  tête desquelles figurent La Liturgie de Saint-Jean Chrysostome et les Vêpres que nous allons entendre ce soir. Elles furent composées en 1915, dans une période très faste de la production du compositeur qui vivait alors dans une propriété de campagne, pas très loin de Moscou. Au cours des années précédentes, porté par ses triomphes, il avait arpenté le monde, d’Europe en Amérique, s’installant même pour quelque temps à Dresde… Mais la nostalgie de la Russie était plus forte et il s’installa finalement dans cette demeure, à l’écart de l’agitation du monde, pour se consacrer pleinement à la composition, comme il allait le faire jusqu’à son exil en 1917. C’est donc à la  campagne, qu’ont vu le jour ces Vêpres pour voix mixtes a capella qui seront chantées pour la première fois à Moscou le 10 mars 1915 par la chorale du Saint-Synode, et qui puisent délibérément dans les traditions les plus anciennes de la Russie. Rappelons à ce propos que certains musicologues ont reproché à Rachamaninov d’écrire, au XXe siècle, des concertos du XIXe siècle… Celui-ci était  apparemment indifférent à de telles considérations historiques, car c’est beaucoup plus loin dans le passé qu’il est allé chercher  l’inspiration de ses Vêpres. Elles s’inspirent de modèles remontant au Moyen-âge et sont composées en langue slavonne – qui est un peu l’équivalent slave du latin. Ce faisant, Rachmaninov participe à une entreprise initiée par les compositeurs de la génération précédente et qui consiste à redécouvrir les sources authentiques de la musique russe. Celle ci, en effet, au XIXe siècle, s’est vue dénaturée par les modèles d’importation, notamment la musique italienne qui régnait à la cour de Saint-Petersbourg.
C’est pourquoi Tchaïkowski, dès 1881, a composé ses propres Vêpres dans lesquelles il renoue avec les traditions de la musique orthodoxe remontant à Byzance. Rachmaninov va plus loin avec ce cycle de quinze chœurs, dont neuf sont construits sur des mélodies ecclésiastiques, de couleur modale, cousines de ce que nous appelons en Europe occidentale le chant grégorien ; tandis que six autres s’appuient sur des mélodies originales du compositeur. Son oeuvre présente une alternance de pièces mélodiques en accords simples, et de pièces plus contrapuntiques. Mais, surtout, Rachmaninov accomplit tout un travail de ce qu’on pourrait appeler une « orchestration chorale », jouant sur les différentes couleurs vocales, la division de chaque voix en plusieurs parties, et une utilisation très saisissante de la masse chorale qui culmine dans la neuvième pièce : Béni soit le seigneur…
Cette œuvre mêle ainsi une écriture d’apparence traditionnelle et des détails d’harmonie et d’expression très personnels qui font que, même dans un style hérité du Moyen-âge, il s’agit bel et bien d’une musique de Rachmaninov, parmi celles dont il était le plus fier, à côté de sa symphonie chorale Les Cloches. Les Vêpres sont d’ailleurs parfois considérées comme le plus grand monument de la musique chorale orthodoxe. 

C’est aussi le point de vue du chef de choeur Simon-Pierre Bestion et de la compagnie La Tempête, qui ont tenu à souligner davantage encore la singularité de cette musique par une forme de mise en espace et en lumière que vous allez découvrir :
– D’abord, ils ont intercalé entre chacun des chœurs quelques uns de ces vieux chants liturgiques slavons dont s’est inspiré le compositeur, chantés à nu par un chantre, comme dans le grégorien.
– Ensuite ils ont adopté une disposition qui va se déployer dans tout l’Oratoire, comme les étapes d’un rituel sacré.
– Enfin ils se sont inspirés du déroulement de ce rituel qui commençait au tomber du jour, se prolongeait dans la nuit et se terminait au lever du soleil avec des gradations lumineuses renvoyées les fenêtres et les vitraux, selon l’orientation est-ouest des édifices religieux…

Vous pourrez l’imaginer grâce à une mise en lumière qui renforcera l’illusion de cette cérémonie nocturne, parmi les plus belles de tout notre patrimoine musical.

Benoît Duteurtre

Conseiller musical de la Fondation Singer-Polignac

Programme

Sergueï Rachmaninov (1873-1943)

Vigiles nocturnes opus 37

Hymnes de la liturgie grecque orthodoxe byzantine

Interprètes
  • Compagnie La Tempête
    • Adrian Sirbu chants byzantins
    • Simon-Pierre Bestion conception, arrangements, direction
    • Marianne Pelcerf création lumière
© Hubert Caldagues - Photoheart

Simon-Pierre Bestion direction

Simon-Pierre Bestion se forme au Conservatoire de Nantes dans les classes d’orgue de Michel Bourcier, de formation musicale et de musique de chambre. Parallèlement, il travaille le clavecin à Boulogne-Billancourt avec Laure Morabito, et enrichit sa formation auprès de clavecinistes et organistes tels que Jan-Willem Jansen, Benjamin Alard ou Aline Zylberach. 

Son goût pour l’écriture, la composition et les musiques d’aujourd’hui l’amène à découvrir la polyphonie et la richesse du répertoire choral. Il se forme alors à la direction de chœur auprès de Valérie Fayet et intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon dans la classe de Nicole Corti. Il est marqué successivement par la rencontre de ces deux cheffes, ainsi que par les conseils précieux d’artistes tels que Roland Hayrabédian, Joël Suhubiette, Dieter Kurz ou encore Timo Nuoranne. 

Sa passion pour la musique ancienne et la direction l’amène à fonder en 2007, avec la gambiste Julie Dessaint, l’ensemble Europa Barocca. Il complète cette phalange instrumentale par la création du chœur Luce del Canto, ensemble vocal composé de jeunes chanteurs. 

Souhaitant élargir son horizon musical et interroger les formes mêmes du concert, Simon-Pierre Bestion crée en 2015 la Compagnie La Tempête, résultat de la fusion de ses deux ensembles. Le premier spectacle de la compagnie, The Tempest, annonce d’emblée une approche inédite du son et de l’espace. Ce projet initie également un mouvement clair vers les arts de la scène, inspiré de son goût pour les travaux novateurs de nombreux chorégraphes, plasticiens ou metteurs en scène. 

Le travail artistique de Simon-Pierre Bestion est marqué par un héritage musical riche, nourri par les traditions extra-occidentales, les rituels et la création. Fortement influencé par les musiques de compositeurs tels que Jean-Louis Florentz ou Maurice Ohana, il défend une approche musicale dans laquelle l’interprète doit avoir toute sa place, y compris dans l’incarnation et l’appropriation de la matière sonore. ll est aussi marqué par la rencontre de plusieurs personnalités vocales et chercheurs-interprètes de répertoires oubliés tels que Marcel Pérès (répertoires anciens) ou Adrian Sirbu (chant byzantin). 

Sa soif d’orchestration et l’inspiration qu’il puise dans l’esprit des oeuvres qu’il aborde ont offert ces dernières années au public des projets aussi captivants qu’inattendus, souvent l’objet de rencontres et de mariages ambitieux : un dialogue des cultures de la Méditerranée avec Jérusalem en 2019 pour le Festival de Saint-Denis et la Cité de la Voix, une histoire de la Résurrection baignée d’Orient avec Larmes de Résurrection en 2017 pour Château de Versailles Spectacles ou encore une expérience visuelle et sonore avec Bach minimaliste en 2019 pour le CCR des Dominicains de Haute-Alsace et la Scène Nationale l’Empreinte. 

En 2018, sa version des Vespro della Beata Vergine de Monteverdi offre une vision nouvelle et très personnelle de cette oeuvre emblématique, et marque la critique nationale et internationale. En 2021, il présente L’Enfant noir : un conte musical initiatique d’après les musiques de Jean-Louis Florentz et du roman de Camara Laye. 

Le jeune chef aime collaborer avec d’autres compagnies artistiques musicales mais également des compagnies issues du spectacle vivant. En 2022, il fera ses débuts en tant que chef invité par l’Opéra National de Lyon pour la production Nuit funèbre, d’après des cantates de Bach, mise en scène par Katie Mitchell.


Adrian Sirbu chants byzantins

Adrian Sîrbu a fait le Lycée Théologique Orthodoxe “Saint Basile le Grand” à Iasi et a obtenu une licence en Théologie à la Faculté de Théologie Orthodoxe Dumitru Stăniloae dans la même ville. Il a suivi également les cours de la Faculté de Composition, Musique, Pédagogie Musicale et Théâtre de l’Université d’Art George Enescu et possède un diplôme de Master en Philosophie chrétienne et dialogue culturel à la Faculté de Philosophie de l’Université Al. I. Cuza à Iasi. D’autre part, il a suivi les cours de l’Ecole de Musique Byzantine Ζωοδόχου Πιγής à Athènes et a fait un master de musique byzantine au Conservatoire d’Etat à Athènes sous la direction du Prof. Dr. Georgios Konstantinou. Ici, il a eu l’occasion de travailler avec le prof. Lykourgos Angelopoulos, Arhonte Protopsalt de la Diocèse Œcuménique du Constantinople.

En qualité de chef du Chœur Byzantion, dont il est le fondateur depuis 1997, Adrian Sîrbu a eu une riche et vaste activité d’interprétation et de recherche dans le domaine de la musique byzantine à l’occasion des nombreuses participations aux tournées et festivals nationaux et internationaux en Grèce, France, Luxembourg, Allemagne, Italie, Danemark, Pologne, Belgique, Espagne, Russie, Rep. Tchèque. Grace à cette expérience, il a participé à la parution de 13 disques avec musique byzantine et chants de Noël. Entre 2004 et 2008 il a été membre du chœur byzantin grec (Athènes) et à partir du 2010 il fait partie du chœur de musique médiévale Graindelavoix (Belgique). De 2005 à 2011 il a dirigé la chorale mixte Nicalaus (Iasi, Roumanie). Il a été membre du Chœur de la Philarmonique d’Etat Moldova (Iasi), du chœur académique Cantores Amicitiae (Iasi) et de la chorale Mira (Iasi). Il a enrichi son activité de recherche et il a publié plusieurs articles dans les revues de spécialité et a traduit quelques livres grecques en roumain comme  La théorie et la pratique de la musique sacré (Georgios Konstantinou), L’importance de la recherche et de la pédagogie du Simon Karas concernant la signalisation et la classification de signes hironomiques- l’interprétation orale de la tradition écrite et Les voix du Byzance (Lykourgos Angelopoulos). Adrian Sirbu est également le fondateur et le coordinateur du Masterclass International du Chant Byzantin organisé à partir du 2008 à l’Université d’Art à Iasi. Depuis 2009, il est assistant dans la Section de Musique Religieuse de l’Université d’Art George Enescu et est le président de l’Association Culturelle Byzantion à Iasi.

Adrian Sirbu est depuis 2011 doctorant à la Faculté des Etudes Musicales de l’Université Aristotelis à Thessalonique sous la direction du Prof. Dr. Maria Alexandru.


La Tempête

Compagnie vocale et instrumentale, La Tempête est fondée en 2015 par Simon-Pierre Bestion. Celui-ci est alors animé d’un profond désir d’explorer des œuvres en y imprimant un engagement très personnel et incarné.
La proposition de La Tempête trouve sa source dans l’expression des liens et des influences entre des artistes, des cultures ou des époques. Elle explore les points de contacts et les héritages dans une démarche d’une grande liberté. La compagnie développe ainsi un rapport très intuitif et sensoriel aux œuvres, dont les réinterprétations sont régulièrement saluées par la critique nationale et internationale. Simon-Pierre Bestion visite l’intimité entre les traditions humaines et la diversité des empreintes laissées par les mouvements artistiques et sociétaux.Le répertoire de l’ensemble traverse, par l’essence même de son projet, plusieurs esthétiques, se nourrissant principalement des musiques anciennes voire traditionnelles ainsi que des répertoires modernes et contemporains. 
Travaillant sur instruments anciens, traditionnels et explorant de vastes formes d’expressions vocales, La Tempête bâtit ses propositions autour de l’expérience des timbres et de l’acoustique. Ses projets prennent ainsi forme autour de l’idée d’une immersion sensorielle du spectateur, de la recherche d’un moment propre à chaque rencontre entre un lieu, des artistes et un public. Les créations de Simon-Pierre Bestion naissent d’un profond attrait pour l’expérience collective et l’exploration.La compagnie s’ouvre pour cela à de nombreuses disciplines et collabore avec des artistes issus de très vastes horizons.

La Tempête est en résidence à la Fondation Singer-Polignac depuis 2018. En savoir plus


La Caisse des Dépôts est mécène principal de La Tempête. 

La compagnie est aussi soutenue par la Fondation Orange.

Elle reçoit également le soutien du Ministère de la culture et de la communication (Drac Nouvelle-Aquitaine), de la région Nouvelle-Aquitaine, du département de la Corrèze, de la ville de Brive-la-Gaillarde et de l’Adami.

La Tempête est en résidence au Théâtre Impérial - Opéra de Compiègne et à la Fondation Singer-Polignac, elle enregistre pour le label Alpha Classics. 

La compagnie est membre de la fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés (Fevis), du RezoMusa et du syndicat Profedim.