L'atelier joyeux

Publié dans Saison 2009-2010

Entre romantisme et classicisme

Notre saison musicale 2009-2010 s'achève par un programme très varié. Entre des œuvres aussi différentes, le seul point commun visible est l'amour et le plaisir de la musique... mais, après tout, l'idée d'un programme cohérent, illustrant un sujet ou une partie du répertoire, est une invention moderne. On préférait autrefois passer librement d'une œuvre à l'autre, pour faire de chaque concert un mini-festival.

J'en ai retrouvé un exemple, parmi beaucoup d'autres, dans ce programme donné à Paris, salle Feydeau, le 7 février 1797, ainsi présenté dans un journal de l'époque :

"Aujourd'hui 19 Pluviose : le citoyen Sallentin exécutera un concerto de hautbois ; le citoyen Garat chantera un air italien de Cherubini ; On exécutera un andante d'Haydn ". Puis, en seconde partie "On exécutera pour la seconde fois la nouvelle symphonie du citoyen Méhul ; la citoyenne Walbonne-Barbier chantera un air de Cimarosa ; la citoyenne Candeille sur le forte piano un morceau de Dumcek ; suivi d'une valse variée de Mozart ; la citoyenne walbonne Barbier et le citoyen Garat chanteront le duo d'Armide, etc, etc..."

Voilà qui nous change des intégrales Beethoven et des programmes exclusivement consacrés à l'orchestre ou à la musique de chambre... Pourtant, dans leur diversité même, toutes les œuvres que vous entendez ce soir ont un point commun : car chacune marque une forme de compromis entre le romantisme (si l'on définit ainsi l'élan d'une libre expression musicale) et le classicisme (considéré comme le modèle central de la grande tradition européenne).

Chopin

Chopin en offre l'illustration parfaite, lui le romantique absolu qui ne concevait pas de commencer une journée sans jouer quelques préludes et fugues de Bach ; et lui dont la musique, même à ses points culminants d'intensité, reste toujours si parfaitement construite, contrôlée, équilibrée.

Le début de ce programme vous permettra ainsi d'entendre la première Ballade, de forme apparemment très libre, au discours lyrique et romantique – mais en même temps solide comme une sonate de Beethoven. Même les deux petites valses que nous entendrons ensuite, rabâchées sur le piano dans tant de familles bourgeoises, se distinguent de toutes les valses du temps par le choix si raffiné des harmonies, des contrechants – que ce soit dans le registre mélancolique de la valse op.69 n°1 ou dans le style plus brillant de la valse op.70 n°1.

Brahms : Sonate n°2 pour clarinette et piano.

Avec la seconde sonate pour clarinette et piano de Brahms, nous franchissons cinquante ans, pour nous retrouver en 1894, à la toute fin du siècle romantique. Mais Brahms, lui-même, a cherché continuellement un équilibre entre l'expression romantique et une forme issue du classicisme. Contre Wagner et son romantisme exacerbé, il s'est voulu fidèle à la tradition de Beethoven, Schumann et Schubert.

A la fin de sa vie, Brahms trouve certes un style de plus en plus personnel, libre, inventif. Il reste cependant nourri par cette science du contrepoint qui en fait une sorte de Bach romantique.

Cette seconde sonate, comme toutes les œuvres avec clarinette, est née de la rencontre avec un interprète. En 1890, au cours d'un voyage à Meiningen, Brahms a sympathisé avec le clarinettiste Richard von Mühlfeld, avec lequel il passe la plus grande partie du séjour, se faisant jouer tout le répertoire et expliquer les différentes possibilités de l'instrument. Quatre partitions vont alors voir le jour qui forment, avec les Klavierstücke, le dernier grand pan de l'œuvre de Brahms : le trio avec clarinette opus 114, puis le quintette pour clarinette et quatuor à corde, et enfin deux sonates pour clarinette et piano – écrites quatre ans plus tard, à l'occasion d'une nouvelle rencontre avec Mühlfeld.

La seconde sonate est l'une des toutes dernières partitions du compositeur, d'expression presque crépusculaire, qui souligne cependant le goût grandissant du musicien pour une certaine concision alliée à la richesse de chaque détail.

D'Indy

Dans les mêmes années en France, l'influence wagnérienne l'emporte chez les jeunes compositeurs, à l'image de Vincent d'Indy. Mais d'Indy lui même passera toute sa vie à tenter de conjuguer le grand souffle wagnérien avec une obsession pour l'architecture instrumentale, dans la lignée de Beethoven et de Franck.

D'Indy, comme Chopin et Brahms, aime également l'esprit de la musique populaire. On le sent dans Chanson et danses – un divertissement pour septuor à vent (flûte, hautbois, deux clarinettes, cor, deux bassons), créé le 7 mars 1899 à la Société des instruments à vent, après les succès de Fervaal et de la Symphonie cévenole.

La Chanson en trois strophes est un mouvement lent, où l'on reconnaît le thème de Siegfried Idyll. Mais l'oeuvre vaut surtout par son allegro, très vif rythmiquement et difficile à jouer dans son écriture syncopée. Ce rondo à refrain s'achève par le retour cyclique du thème, où l'on reconnaît le disciple de César Franck.

Strauss

Richard Strauss, lui même, oscillera sa vie durant entre romantisme et classicisme. Ses poèmes symphoniques et ses premiers opéras portent certes l'empreinte wagnérienne, avec son amour de la puissance sonore et sa tension chromatique. Mais le compositeur, dans sa jeunesse puis dans sa maturité, s'est montré tout aussi fasciné par la tradition classique.

Mozart, Haydn, Brahms et Schubert sont ses premiers modèles à l'âge de vingt ans ; on l'entend dans cette Suite op.4 pour 13 instruments composée en 1884 : une oeuvre encore conventionnelle, à la coupe de sérénade italienne, mais qui préfigure le retour de Strauss vers le classicisme à partir du Chevalier à la rose.

Escaich

Entre Richard Strauss et le vingt et unième siècle, les questions du classicisme et du romantisme ont paru s'effacer, au profit de la modernité. Mais l'histoire ne cesse se ressourcer, et le compositeur Thierry Escaich présente lui même, aujourd'hui, plus d'une affinité avec le classicisme et le romantisme.

Ce grand artiste, que nous sommes heureux d'accueillir suscite l'admiration, en France et dans le monde, comme organiste et comme compositeur. Il a appris la musique à l'accordéon avant de recueillir tous les premiers prix du conservatoire ; mais ce surdoué n'est pas seulement un fort en thème. Dès ses premières oeuvres, tout en assimilant parfaitement les courants de la musique moderne, il a montré un tempérament libre et personnel, au grand souffle romantique, appuyé sur une musique magnifiquement construite.

Le foisonnement rythmique, harmonique, contrapunctique n'empêche pas Escaich de s'aventurer parfois sur des terres plus légères. Composé en 2004, son Magic circus pour octuor à vent fut créé dans une première version par l'ensemble Aédès, à l'occasion d'une manifestation de l'école nationale du cirque. Cette œuvre en un seul mouvement comporte une partie centrale plus lente, comme un clin d'oeil à tous les "clowns tristes", avant une apothéose rythmique caractéristique de Thierrry Escaich.

Benoit Duteurtre


Programme

Oeuvres

Frédéric Chopin (1810-1849)

Ballade n° 1 pour piano en sol mineur opus 23

Valse pour piano en la bémol majeur opus 69 n°1

Valse pour piano en sol bémol majeur opus 70 n°1

Romain Descharmes piano


Johannes Brahms (1833-1897)

Sonate n° 2 pour clarinette piano en mi bémol majeur opus 120 n° 2

  • 1.Allegro amabile
  • 2.Allegro appassionato
  • 3.Andante con moto

Olivier Patey clarinette Romain Descharmes piano



Richard Strauss (1864-1949)

Suite en si bémol majeur pour treize instruments à vent opus 4

  • 3. Romanze. Andante
  • 4. Gavotte. Allegro

Vincent d'Indy (1851-1931)

Chansons et danse pour septuor à vent opus 50

     

Thierry Escaich (1965)

Magic Circus pour octuor à vent (2004)


Ensemble Initium :

Edouard Sabo, Julien Vern flûte

Guillaume Deshayes, Armel Descotte hautbois

François Lemoine, François Tissot clarinette

Batiste Arcaix, Franck Sibold, Sylvie Chapellebasson

Julien Desplanque, Stéphane Bridoux, Maxime Lekeux, Kostia Boureau cor

Interprètes

 

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  • Romain Descharmes piano
  • Olivier Patey clarinette
  • Ensemble Initium

Biographies

Romain_DescharmesRomain Descharmes piano

Né en 1980, Romain Descharmes a obtenu quatre prix mention très bien au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, notamment dans les classes de Jacques Rouvier, Bruno Rigutto, Christian Ivaldi. Par ailleurs, il a alors reçu les conseils de Pierre Boulez pour un disque consacré à la musique contemporaine.

Premier grand prix en 2006 du concours international de Dublin, il se produit alors en récital sur de nombreuses scènes prestigieuses : Carnegie Hall à New York, Wigmore Hall à Londres, National Concert Hall à Dublin, Minato Mirai Hall à Yokohama, Tsuda Hall à Tokyo.

Depuis, il a été l’invité de nombreux festivals en France et à l’étranger, tels que La Roque d’Anthéron, Piano aux Jacobins, festival de Radio France, Rencontres Internationales Frédéric Chopin, Serres d’Auteuil, Nancyphonies, St-Jean-de-Luz, Festival Agora, festivals Arties en Inde, Beyrouth, Cervantino au Mexique.

Il participe à de nombreuses émissions radiophoniques et télévisuelles (France Musique, Mezzo, NHK-Japon ), et joue en compagnie d’artistes tels que Roland Daugareil, Henri Demarquette, Laurent Korcia, Sarah Nemtanu, l’ensemble Court-Circuit, le quatuor Ebene, le Berliner Philarmoniker Quintett. Son 1er disque enregistré à Londres, chez Claudio Records est consacré à Brahms. Il vient également d’enregistrer un disque Ravel chez Audite.

 

Olivier_Pateyx600Olivier Patey piano

Né le 3 juillet 1981, Olivier Patey est reçu premier nommé au Conservatoire national supérieur de musique de Paris dans la classe de Michel Arrignon en février 2001.

Olivier Patey est actuellement soliste du Mahler Chamber Orchestra, et cosoliste des orchestres de la Garde républicaine. Il a aussi eu l’occasion de travailler au sein d’orchestres de renom comme l’orchestre national de Lille, l’orchestre philharmonique de Radio-France, l’orchestre national de France, l’orchestre de l’Opéra de Paris, l’orchestre du Capitole de Toulouse.

En septembre 2003, pour sa première participation à un concours international, il remporte le prestigieux concours de l’ARD de Munich, où lui sont attribués également le prix du public et le prix décerné par l’orchestre de chambre de Munich pour son interprétation du concerto pour clarinette de Mozart. À partir de cet instant, Olivier Patey entame une carrière de soliste, et parcourt l’Europe en se produisant avec des orchestres de renommée internationale tels que la Philharmonie de Prague, l’orchestre philharmonique de la Südwestfallen, l’orchestre de chambre de Munich et l’orchestre de la Bayerische Rundfunk. Puis en juin 2005, il remporte au Danemark le 1er prix du non moins prestigieux concours international Carl-Nielsen, et poursuit alors son périple musical vers la Scandinavie, l’Europe de l’Est et l’Amérique du Sud en se produisant avec les orchestres d’Odense, Norrköping, l’orchestre symphonique de Barquisimeto, l’orchestre de chambre de Bratislava, l’orchestre de l’Hermitage de Saint-Pétersbourg et l’orchestre national d’Ukraine pour la première édition du festival les Virtuoses de la planète.

Issu du cycle de perfectionnement du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, il y obtient son diplôme de formation supérieur de clarinette en juin 2005 et remporte le concours interne des « avant-scènes », soutenu par le mécénat musical Société générale. Olivier Patey est également lauréat du programme Déclic (CulturesFrance).

Chambriste apprécié, il participe aux festivals d’été de musique au château de l’Empéri, de Salon-de-Provence, des Nuits musicales catalanes de Perpignan, de Musique sur Ciel à Cordes-sur-Ciel, de l’ARD Kammermusikfest en Allemagne, du Cervantino au Mexique, Arties Festival en Inde et bien d’autres, à l’occasion desquels il collabore avec d’éminents solistes tels que Laurent Cabasso, Paul Meyer, Gilbert Audin, Emmanuel Pahud, Philippe Berrod, Romain Guyot, Laurent Lefèvre, Danjulo Ishizaka, Christoph Poppen, le Sjaellands Strygeqvartet, le quatuor Amedeo Modigliani.

 

lensemble_initiumx400Ensemble à vent Initium

L’ensemble Initium a été créé en 2005 au sein de la classe de musique de chambre de Maurice Bourgue au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Formation à géométrie variable capable de se produire du trio aux symphonies pour vents, cet octuor à vent est formé de jeunes professionnels de la musique s’étant perfectionnés dans la pratique de leur instrument avec les meilleurs représentants actuels de l’école française des bois et des cuivres (Jacques Tys, Pascal Moraguès, André Cazalet, Marc Trenel, Gilbert Audin, Daniel et Michel Arrignon). Il a également reçu dans le cadre du conservatoire, les conseils éclairés de personnalités musicales telles que Michel Lethiec, David Walter et Thierry Escaich.

Formation originale peu présente sur la scène musicale française, l’octuor à vent possède un répertoire riche d’œuvres originales. L’intérêt nouveau suscité pour les ensembles à vents à la fin du XVIIIe siècle a fait naître un grand nombre de sérénades.

Plusieurs d’entre elles représentent l’aboutissement des recherches sonores initiées par les instrumentistes compositeurs originaires de Bohème et Moravie (Wendt, Sedlak, Stadler, Krommer) et une référence pour tous les compositeurs écrivant pour vents (Beethoven par exemple écrira en 1793 un octuor à vent pour deux hautbois, deux clarinettes, deux cors, deux bassons).

De nombreux arrangements seront effectués pour cette formation, parfois par les compositeurs eux-mêmes (opéras de Mozart, Fidelio, 4e et 7e symphonies de Beethoven, le Barbier de Séville, l’Italienne à Alger). Les œuvres pour instruments à vent de Mozart iront jusqu’à influencer Anton Dvořák et Richard Strauss comme en témoignent la Sérénade opus 44 du compositeur tchèque et les compositions pour vents de l’auteur du Chevalier à la rose.

Reprenant la tradition héritée des interprètes arrangeurs du XVIIIe siècle, les musiciens de l’ensemble ont entamé un travail de transcription d’œuvres romantiques et modernes, proposant au public de découvrir des pages de Mendelssohn, Brahms, Wagner, Bizet, Grieg, Elgar, Satie, Prokofiev, de Falla ou Korngold. L’ensemble Initium est lauréat 2006 du concours européen de musique d’ensemble organisé par la Fnapec (Fédération nationale des associations de parents d'élèves des conservatoires et écoles de musique, de danse et d'art dramatique) et a obtenu en juin 2009 un 1er prix de musique de chambre mention très bien à l’unanimité au Conservatoire de Paris.

Invité par France Musique, l’ensemble s’est produit dans les émissions « Dans la cour des grands » en janvier 2007 et « En direct des festivals » en juillet de la même année. Il est également invité à se produire dans différents festivals et lieux prestigieux tels que Comminges, festival Saint-Étienne-du-Mont à Paris, festival Musique sur Ciel, festival de Pâques de Deauville, Concertgebouw d’Amsterdam. L’ensemble Initium est associé aux vingt-deux cordes de L’Atelier de musique et est en résidence à la Fondation Singer-Polignac.